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ELISABETH II ET L’AFRIQUE : JE T’AIME, MOI NON PLUS

Inhumée  à Londres le 19 septembre dernier en présence d’un important parterre de dirigeants du monde, la reine Elisabeth 2 continue d’avoir une seconde vie au travers de quelques souvenirs qui ont émaillés sa relation avec la terre africaine.

L’image des dirigeants africains transportés dans un modeste bus sans honneurs ni protection attachés à leur rang alimentent depuis plusieurs  jours des articles de journaux africains qui crient au mépris de la cour vis à vis de l’Afrique. Ce cliché pittoresque repris en boucle par les médias n’est pourtant pas représentatif de la longue relation que l’ex locataire du palais de Buckingham entretenait avec le berceau de l’humanité.

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Une relation chaleureuse

C’est au Kenya qu’elle apprend en 1952, alors qu’elle y est en voyage avec son mari le Duc d’Édimbourg, la disparition de son père le Roi George VI. Un départ qui la propulse à la tête de la couronne d’Angleterre.

Durant sa longue et riche vie, elle visitera  une vingtaine de pays africains avec lesquels elle avait des relations plutôt privilégiées dans le cadre du Commonwealth dont elle était la principale dirigeante.

L’on se souviendra encore longtemps de la chaleureuse amitié qu’elle entretenait avec le héros de la lutte contre l’apartheid, l’ex président sud-africain Nelson Mandela décédé en 2013. Des récents aveux de la fondation Mandela révèlent en  effet que les deux dirigeants conversaient régulièrement par téléphone et que le respect mutuel qu’ils se témoignaient avait s’était même mué en fraternité au point où leurs échanges ne s’embarrassaient guère de vouvoiement. Le défunt président Sud-Africain aurait même attribué un nom local à la reine. « Il l’appelait Motlalepula, qui signifie Venue avec la pluie, en référence à une visite d’État au cours de laquelle la Reine Elisabeth 2 était arrivée sous une pluie torrentielle », témoigne un dirigeant de la fondation Mandela. Il faut tout de même noter que certains Sud-africains réclament à la couronne britannique la restitution d’un diamant de 530 carats. Le «Cullinan I», orne le sceptre impérial britannique, joyaux extrait d’une mine près de Pretoria e, 1905 et offert à la famille royale par les autorités coloniales britanniques.

Bien plus chaleureuse est la photo que prendra la Reine au bras de Kwame Krumah en novembre 1961 à ACCRA au Ghana. L’image  prise  alors que le président Ghanéen exécute quelques pas de danse lors d’un dîner offert en l’honneur de la reine en visite officielle fait le tour du monde. La métaphore presque parfaite de cette Afrique noire enlacée par une Angleterre ex puissance colonisatrice séduit presque, même si la réalité est plus tendue. « C’était une visite risquée. Le Ghana venait à peine de s’affranchir du joug colonial anglais et il était évident que l’Angleterre était en train de perdre un peu de son aura dans cette zone. » Analyse Armand T, professeur d’histoire.

Pourtant, Accra ne sera pas la terre la plus hostile à la couronne Anglaise.

En août 1979, la reine Elisabeth 2 se rend au sommet du Commonwealth à Lusaka en Zambie. La capitale de ce pays d’Afrique Australe est un terrain favorable aux contestations anti apartheid et le militantisme anti-britannique y est très poussé. Le gouvernement britannique essaie de convaincre la reine de renoncer à ce voyage de tous les dangers mais la détentrice de la couronne est tenace. « C’était probablement son voyage le plus dangereux. Il y’avait un réel risque d’attentat »,  nous révèle Armant T. Bravant, les hostilités, Elisabeth 2 présidera le sommet et fera même une déclaration contre l’apartheid et le racisme. C’est à cette occasion que fût signée la déclaration de Lusaka contre le racisme et les discriminations, qui établit l’égalité raciale…presqu’une autre preuve d’amour pour le continent noire.

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Elisabeth 2, le Commonwealth, Amin Dada et Mugabe

En héritant de la couronne Britannique en 1952, Elisabeth 2 devenait de fait, la figure la plus importante du Commonwealth, cette organisation créée en 1926 pour faciliter « la coopération » entre pays ayant en partage la langue anglaise.

Si les textes fondateurs de l’organisation établissent la très pieuse règle d’égalité entre les Etats membres, ceux-ci ne mettent pourtant pas le Commonwealth à l’abri des critiques.

Pour beaucoup d’observateurs,  » le club des gentlemen » n’est rien d’autre qu’un instrument politique dont le but inavoué est de garder le pouvoir de London au cœur des décisions politiques de ses anciennes colonies. Tout le long de son règne, Elisabeth 2 se défendra silencieusement mais avec un certain courage contre les « haters » africains de la couronne qui voyait en elle la figure de la douloureuse domination du colon anglais.

Dans les rangs des opposants à l’influence de la couronne britannique, l’ex président Ougandais Amin Dada portera parfaitement son galon de Marechal.

Arrivé au pouvoir en 1971, la répugnance du « Roi d’Écosse » comme il se fait appeler, pour l’hégémonie britannique aboutira à la rupture des relations diplomatiques entre la grande Bretagne et l’Ouganda en  1977. Franchissant ostentatoirement les lignes diplomatiques, le Roi Amin se laissera souvent aller à quelques déclarations obtuses comme lorsqu’il invita la reine d’Angleterre à la rencontre d’un « vrai homme » (lui) en terre ougandaise.

En plein malaise politique entre l’Irlande et la Grande Bretagne, l’ex président Ougandais fera usage d’un humour noir mal différé outre-manche en proposant de verser de l’argent à la reine pour « sauver sa couronne ». Finalement, Idi vint et partit laissant la reine sur son couronne.

Elisabeth 2 aura également soufflé du chaud et du très froid avec le Zimbabwe et son défunt président, Robert Mugabe.

Autrefois grand ami de la couronne de laquelle il a reçu plusieurs distinctions, Mugabe tombe en disgrâce suite à sa réforme agraire de 2000. À cette époque, plus de 4000 fermiers blancs perdent leurs terres au profit de compatriotes noirs. La manœuvre agace le gouvernement travailliste de Tony Blair alors au pouvoir en Angleterre.

Les critiques de Londres contre la nouvelle politique agraire enfle au point de refroidir les relations bilatérales entre les deux pays. Mugabe commence alors à afficher son mécontentement vis de l’ancienne puissance colonisatrice qu’il qualifie « d’égarée ». En 2014, Elisabeth 2 retire à Robert Mugabe sa distinction de Chevalier de l’ordre de  Bath. Ce dernier épisode sonnera le glas d’une relation faite d’amour et de haine entre les deux nations.

Les dernières interviews données par Mugabe avant sa mort où il tient l’Angleterre pour responsable des misères du Zimbabwe témoigne à suffisance du caractère controversé des relations que Buckingham entretenait avec l’Afrique. Certains spécialistes des relations internationales pensent même que la disparition de la Reine Elisabeth 2 pourrait durablement fragiliser le Commonwealth.

John Matou

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2 Commentaires

  1. Hélène Minkoulou Ebogo

    Belle analyse.

    1. Griote Admin

      Merci de nous suivre

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