NATIONALISME CAMEROUNAIS: QUAND LES INTELLECTUELLES DÉFENDENT LE HÉROS ERNEST OUANDIE

Mort en martyr depuis 54 ans, Ernest Ouandié revient au cœur de l’actualité politique du Cameroun suite aux propos de l’homme politique Elimbi Lobe qui ont suscité une vague d’indignation. 

Ce dimanche 3 mars 2025, dans l’émission Libre Expression sur Info TV, Abel Elimbi Lobe a déclaré qu’il ne retire pas ses propos sur Ernest Ouandié, prononcés une semaine plus tôt. Il maintient donc malgré le tollé suscité, que la figure emblématique de la lutte pour l’indépendance du Cameroun était « un bandit ». Si des soutiens à son égard sont observés, l’ancien candidat aux élections élections législatives s’attire surtout des foudres, dont ceux des intellectuels qui défendent la mémoire du héros national.

Ernest Ouandié, un nationaliste …

Le Dr Alvine Assemblé Ndi est une histoirienne ayant participé aux travaux de la commission mixte franco-camerounaise portant sur la responsabilité de la France sur la guerre d’indépendance. Elle n’a pas tardé à réagir aux déclarations controversées d’Elimbi Lobe lesquelles disent notamment. « Les Bamiléké d’Ernest Ouandié ont brûlé des villages entiers dans le Moungo pour prendre des terres. Ernest Ouandié est un bandit. Il ne faisait pas de la politique « . Pour sieur Elimbi Lobe, le nationaliste, ancien dirigeant de l’Union des populations du Cameroun (UPC) était un « bandit » parce qu’en tant que dirigeant de l’Armée de Libération Nationale du Kamerun (ALNK), il serait responsable du massacre des populations Mbo’o du Moungo et de l’expropriation de ces populations de leurs terres. L’enseignante chercheuse Alvine Assémbé Ndi a évoqué l’absence d’archives prouvant fait pour réfuter ces allégations. « Ernest Ouandié n’était pas un bandit. Nous n’avons trouvé aucune archive qui le relie à des actes de banditisme. Au contraire, il avait créé un tribunal sous maquis« , a répliqué l’historienne avant d’ajouter « Personnellement j’admire son courage« .

Le Dr Assémbé n’est pas la seule historienne à avouer qu’Ernest Ouandié était un nationaliste. Le Pr Edouard Bokagne de l’Université de Yaoundé 1 est également monté au créneau pour défendre le combattant pour la libération du Cameroun. « … La date de 1960 a marqué un tournant. Un certain nombre d’upécistes en exil se montraient favorables à réintégrer le jeu politique. Ernest Ouandié et Abel Kingue furent parmi les radicaux qui s’y opposèrent. Ils avaient acquis une stature internationale. Moumié fut assassiné par les services spéciaux français. Ouandié lui succéda. Il revint clandestinement au pays réorganiser la lutte et créa l’ANLK. La suite fut le maquis en pays bamiléké avec ses ravages. Il dura dix ans. Ouandié, finalement, fut capturé, jugé et fusillé. Durant son procès et devant le peloton d’exécution, il fut d’un exceptionnel courage. Il refusa d’avoir les yeux bandés et demanda pour ultime faveur qu’on dise aux siens qu’il n’avait pas trahi. », a écrit l’historien.

Mépris des héros nationaux au Cameroun, une responsabilité de Paul Biya?

Des réactions autour de cette actualité brûlante n’ont pas manqué de fustiger la responsabilité du Président Paul Biya sur la non considération des héros de lutte pour l’indépendance. Henriette Ekwe est de ceux-là. Après avoir houspillé Abel Elimbi Lobe sur ses déclarations concernant Ernest Ouandié, la journaliste et militante de l’UPC a argué que le Chef de l’Etat méprise le premier parti politique et nationaliste du pays ainsi que ses figures emblématiques de la libération du Cameroun . « Le Président Biya a lui même du mépris pour l’UPC. Il faut le dire aussi. C’est parce que la sortie de la clandestinité de l’UPC était tellement forte que le Président a été obligé de reconnaître les héros de la lutte pour l’indépendance. Mais il n’ont  de rue, un carrefour, une statue nulle part. Et lorsque le président engage la guerre contre Boko Haram, quelles sont ses premières paroles ? Il dit on a vaincu l’UPC, on a vaincu le maquis . Ce n’est pas la petite rébellion là qui va nous dépasser. », a expliqué la femme politique.

Le combat post-indépendance, combat pour la « libération totale » du Cameroun

Pourquoi Ernest Ouandié a t-il pris les armes après 1960 et 1961 lorsque le Cameroun est devenu indépendant et réunifié? C’est la question que plusieurs posent parfois. Des historiens répondent par l’idéologie de l’UPC dont Ernest Ouandié était dirigeant , mais qui mieux que le concerné pour s’expliquer. Les archives de ses déclarations concernant l’idéologie de l’UPC sont devenues virales sur internet suite au tollé.  » L’UPC était et demeure un mouvement franchement anti-colonialiste, je dirais anti-impérialiste parce que l’UPC estime la libération d’un pays du système colonial si elle doit être réalisée, se fait de façon effective et totale« , déclarait le nationaliste. Le système néocolonialiste dans lequel est plongé l’Afrique plus d’un demi siècle après les proclamations d’indépendances viendrait accorder du crédit à la lutte menée par l’UPC  après 1960.

La polémique déclenchée par Elimbi Lobe a suscité beaucoup d’émotions chez les panafricains, qui sont montés au créneau pour exiger respect et honneur à l’endroit d’Ernest Ouandié, mais aussi à l’égard de ses compagnons Ruben Um Nyobe, Roland Felix Moumié et bien d’autres assassinés plus tôt que lui, également en luttant pour la libération du Cameroun.

Chanelle NDENGBE 

 

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