Raïssa vit un réel traumatisme depuis la nuit du viol dont elle a été victime le 31 décembre, la jeune fille de 16 ans préservait précieusement sa virginité.
La toile a révélé il y’a quelques jours, l’horreur d’un viol sur mineur impliquant deux policiers et une jeune fille d’à peine 16 ans à Ntui, une ville située dans le département du Mbam et Kim à 2 heures de route de Yaoundé, la capitale du Cameroun.
Quand nous arrivons dans cette ville, rien ne laisse penser à la macabre histoire que racontent les réseaux sociaux au sujet du viol qui y a eu lieu la nuit du 31 décembre 2020. La ville est plutôt belle, le bitume est propre et bien tracé, les habitants vaquent normalement à leurs activités. On en vient même à se demander si c’est bien ici « la ville de l’horreur » tel que nous relate la toile.
La question trouve réponse lorsque nous nous approchons d’un conducteur de moto pour nous renseigner au sujet de l’affaire qui nous emmène. Nous lui demandons s’il a entendu parler d’une histoire de viol sur mineur. « Raïssa, vous parlez de l’histoire de Raïssa » nous répond-t -il. Nous hochons la tête en signe d’acquiescement. « Elle a été violée le 31 décembre par le salaud de Ebaa » lance-t-il pour compléter son information alors que nous voulons en savoir plus, il interpelle un de ses collègues stationné non loin « Eric, accompagne les chez Raïssa, la fille que Ebaa a violé là ».
Le sieur Eba’a
Le policier traîne une mauvaise réputation…
En chemin, nous posons des questions sur le présumé coupable de l’ignoble forfait qui rend tristement populaire le chef-lieu du département du Mbam et Kim. « Ce gars-là est un coureur de jupons, tout le monde le sait ici » nous lance Eric en introduction. « Tout le monde connait ses méthodes ici, il mène souvent des patrouilles seul non loin des stades et des auberges. Il a déjà violé beaucoup de filles » Cette affirmation impose un silence de quelques minutes puis, notre chauffeur de fortune reprend « Ce gars-là, si on l’attrape, il va manger son zizi ». D’après les informations que nous fournit le jeune homme, le policier Ebaa Ngomo Remy en plus d’être friand de jeunes filles, serait un adepte de rackets. Et, il serait introuvable dans la ville de Ntui depuis que l’histoire du viol de la petite Raïssa a été dévoilée sur les réseaux sociaux.
Nous arrivons dans le domicile où vit Raïssa, il est 15 h. Elle est encore au lycée technique de Ntui où elle fréquente la classe de seconde IH. Son père M. Tchoung Moïse, agriculteur de profession est lui aussi, encore dans à son activité. Seuls sont là Edmond son frère aîné et sa mère. C’est cette dernière qui nous accueille.
Une vingtaine de minutes plus tard, Raïssa est de retour des classes
Elle a 16 ans nous a-t-on dit mais on lui en donnerait facilement 14. Elle est svelte et son uniforme de classe en rajoute à son extrême jeunesse. Très vite, sa mère l’informe de la raison de notre venue. Elle accepte de nous parler mais exige que ce soit à l’écart de sa mère, malade. Nous nous installons à l’intérieur dans la salle de séjour. La gestuelle de la jeune fille est prompte, presque robotique. Sentant notre embarras, elle lance la conversation « Vous voulez savoir quoi ? » nous interroge-t -elle. Dans une volonté de mise au point, elle nous révèle qu’elle n’a pas été violée par le policier Ebaa Ngomo que l’on présente sur les réseaux sociaux comme étant son bourreau puis elle nous relate son histoire. Les faits révélés en ce mois de février pour cause de piétinement de l’enquête, se sont déroulés en réalité en décembre.
Le soir du 31 décembre, elle sortait d’une veillée de prière avec Narcisse, son copain. Un jeune homme de 20 ans qui est également son camarade au lycée technique de Ntui. La nuit de prière terminée les deux amis décident de passer du temps sur les bancs publics de la place des fêtes de Ntui. C’est la Saint Sylvestre, l’occasion s’y prête. C’est à cet endroit qu’ils sont interpellés par trois policiers dont Ebaa Ngomo Remy. Ceux-ci vont leur demander de présenter leurs pièces d’identité. Le copain de Raissa présente sa carte d’identité scolaire mais les deux agents de la sécurité publique refusent de prendre en considération ce document. Raïssa n’a aucune pièce qui puisse l’identifier. Face aux menaces des policiers, les deux élèves vont aller jusqu’à quémander à genoux leur liberté. « Ils nous ont dit que cet endroit est dangereux et qu’on y viole et tue les gens » nous relate Raïssa les yeux rougis par l’approche des larmes.
Remy Ebaa Ngomo exigera que les adolescents fassent l’amour en leur présence
Malgré les supplications et autres courbettes, les policiers ne laisseront pas partir Raïssa et son copain. Les deux jeunes refusent dans un premier temps de céder à l’odieuse demande mais, sous le coup de la pression et des menaces, ils baissent leur pantalon pour satisfaire les élans voyeuristes de leurs oppresseurs. « Nous avons baissé nos pantalons pour faire l’amour mais Ils ont exigé qu’on se déshabille complètement et nous l’avons fait » lance en larme notre interlocutrice qui a du mal à replonger dans les événements de cette nuit désormais inoubliable pour elle. Nous lui demandons de s’arrêter un moment, le temps que nous nous remettions tous de nos émotions. Elle refuse …Elle veut en finir…
Les deux adolescents se déshabillent mais le jeune homme est incapable d’avoir une érection dans ces conditions alors que Raïssa est en pleurs. Remy Ebaa décide de jouer au coach sexuel en leur montrant quelques astuces, non sans les avoir menacés au préalable. Finalement, les jeunes passent à l’acte à même le sol, sous le froid de la nuit, pendant que les policiers montent la garde et que monsieur Ebaa s’assure à l’aide d’une torche, de l’effectivité du coït.
Raissa subira le viol d’un homme en civil
Une fois l’acte sexuel terminé, les policiers laissent partir Narcisse. « Ils sont restés avec moi et ont refusé que je me rhabille » continue de relater Raïssa. « Ils m’ont dit que mon ami ne m’aime pas et que je n’avais rien à faire avec lui et que je devais attendre leur chef »
Quelques temps après, un quatrième homme arrive, il est en civil. C’est lui qui se charge de violer Raïssa alors que les trois autres y compris Remy Ebaa montent la garde. « Il m’a violée par la voie normale et par l’anus et quand il a fini. Il m’a balancé 1000 fcfa comme une prostituée » nous confie Raïssa, le regard perdu. « Avant ça, j’étais vierge, je n’avais jamais connu d’homme » rajoute-t-elle entre deux sanglots.
Nous voulons savoir comment elle vie cette’histoire »je ne sais pas si je vais me marier un jour. Les gens ici disent que j’ai le SIDA, que je suis détruite. À l’école, tout le monde en parle. »
Alors qu’elle continue de se confier à nous, M. Tchoung Moïse, son père fait son entrée
C’est un homme robuste d’une cinquantaine d’années qui nous accueille avec le même intérêt manifesté par sa famille. Il demande à prendre le relais de sa fille. Nous entretenons avec lui. »Ne parlez pas fort, sa mère ne sait rien de cette histoire. Elle souffre aussi de troubles mentaux…elle pourrait commettre l’irreparable’‘ nous chuchote t-il.
Il nous relate avec un effort de retenu les déboires qui arrivent à sa famille. »Je me demande pourquoi moi ? Pourquoi ? Raissa était jusque-là l’une de mes seules fiertés » nous lance t-il sous fond de regret et d’impuissance.
Il nous informe de toutes les procédures engagées depuis le drame de la nuit du 31 décembre. Il nous montre le certificat médical de sa fille. Le pronostic du médecin examinant parle de possibilité de troubles psychologiques à vie. Les plaintes déposées auprès du procureur de la République, du commissaire de la sécurité publique, de la police des polices, du délégué général à la sûreté nationale et autres nous sont présentés. Nous apprenons que les autorités sécuritaires du Mbam et Kim auraient tenté d’étouffer l’affaire. »J’ai déposé ma première plainte en début du mois de Janvier et ce n’est que récemment quand les réseaux sociaux ont commencé à en parler que j’ai été entendu ici » nous dit -il. »Heureusement que les autorités de Yaoundé ont décidé de bien faire leur travail » ajoute t-il la mine reconnaissante.
Quand nous l’ interrogeons sur ce qu’il attend des procédures engagées, sa gorge se noue »Ces gens ont fait quoi à ma fille ? Ce sont des pratiques mystiques? Ils voulaient faire quoi ? » nous questionne t- il. Il continue « les gens me parlent d’arrangement mais on va arranger quoi au juste ? » interroge-t-il.
Nous apprendrons également du papa de Raissa que Narcisse le petit ami de l’adolescente a préféré s’éloigner d’elle, toutes les tentatives de notre part de le joindre sont restées vaines.
Après notre entretien, nous décidons de nous rendre au lycée technique de Ntui le lendemain
Heureusement pour nous, le surveillant du lycée est encore à son poste. L’homme âgé d’une quarantaine d’années est au courant de l’histoire qui secoue la ville et nous parle de l’encadrement particulier que le corps enseignant apporte à la jeune fille. « Nous avons tous été choqués et nous la couvrons d’une attention particulière. Nous prenons de ses nouvelles et veillons à ce que ses camarades restent corrects vis à d’elle. C’est une bonne élève, nous l’aidons à surmonter cette rude épreuve ».
Le commissariat où travaillent les bourreaux de Raissa est également un arrêt obligatoire pour nous. Là bas, personne ne souhaite s’exprimer sur cette ténébreuse affaire qui ne finit pas de discréditer le corps de la police dans cette ville.
Pour rappel, la jeune Raissa Machiokeng âgé 16 ans, élève en classe de 2nde IH au lycée technique de Ntui a été violé la nuit du 31 décembre 2020 au 1er janvier 2021 à la place des fêtes de Ntui sous l’instigation de trois policiers. L’affaire a été porté devant la justice et la délégation générale à la sureté nationale. Ses bourreaux ont été mis aux arrêts à la direction régionale de la police du centre, avant d’être suspendus de leur fonction par le Délégué Général à la Sureté Nationale.
Clarence YONGO
Quelle histoire! Quand les garants de l’ordre et de la sécurité deviennent des bourreaux….