Malgré l’existence de texte de lois, des décrets, des institutions, malgré l’adhésion du Cameroun à différentes conventions internationales, la situation de la femme camerounaise demeure préoccupante. Il existe toujours des normes culturelles et juridiques qui empêchent les femmes de recevoir un traitement égal à celui des hommes.
Les discriminations contre les femmes violent les principes d’égalité de droit et de respect de la dignité humaine, entrave la participation des femmes dans les mêmes conditions que les hommes à la vie politique, sociale, économique et culturelle de leur pays à ceci s’ajoute les limites législatives qui tiennent tantôt à un vide juridique et laisse la place à tous les abus.
Dans la société actuelle, des inégalités de fait et aussi de droit persistent avec acuité à l’égard des femmes. Malgré l’évolution des mœurs, elles demeurent enfermées dans des rôles d’épouse et de mère et sont éduquées comme telles.
I- LE POIDS DE LA CONSCIENCE COLLECTIVE ET LA FORCE DES STEREOTYPES
a-L ’EXISTENCE DES PREJUGES
Les femmes sont victimes de nombreux préjugés qui les empêchent de s’épanouir, de jouir pleinement de leurs droits, car la société se charge de leur inculquer qu’elles sont inférieures aux hommes. Femme rime avec enfant c’est-à-dire irresponsable qui a besoin d’un tuteur, d’un guide qui ne peut être qu’un homme, sinon, tout naturellement on s’attendrait à ce que les femmes échouent dans leur velléité d’autonomie.
b-ENGAGEMENT POLITIQUE TRES FAIBLE
La femme camerounaise ne participe pas pleinement aux prises de décision politique car on lui a toujours enseigné qu’elle doit à tout prix et à tout instant sauvegarder son statut de mère et d’épouse.
II- ASPECTS JURIDIQUES ET INSTITUTIONNELS DES INEGALITES DE GENRE
Les limites législatives tiennent tantôt à un vide juridique qui laisse la place à tous les abus, tantôt à une ambiguïté des textes, sources d’extrêmes dérapages ou tout simplement à des dispositions iniques délibérément votées par le législateur camerounais.
-Le législateur pénal jusqu’ici a omis de protéger la femme spécifiquement, pour ce qui est des violences domestiques.
– L’âge légal du mariage est de 15 ans pour les femmes, contre 18 ans pour les hommes.
-Les fiançailles ne sont pas réglementées, et les femmes victimes de rupture abusive de fiançailles ont bien des difficultés devant le juge à trouver un fondement légal à une action en réparation d’un quelconque préjudice.
-L’article 213 (1) du code civil fait du mari le chef de la famille.
-Le choix de la résidence appartient au mari article (215) et la femme est obligée d’habiter avec lui.
-Article 108 du code civil, la femme mariée n’a point d’autre domicile que celui de son époux.
-Article 75 de l’ordonnance de 1981, la femme mariée peut exercer une profession séparée de son mari, mais ce dernier peut s’opposer dans l’intérêt de la famille.
-Au Cameroun l’option du système matrimonial n’appartient qu’à l’homme.
-L’article 506 du code civil qui dispose en substance d’interdiction judiciaire de la femme, le mari est de droit le tuteur de cette dernière, alors que la mariée si elle peut être nommée tutrice de son mari interdit judiciaire doit obligatoirement être assistée du conseil de famille (article 507 du code civil).
III- UNE TIMIDE AVANCEE DE L’EGALITE DANS LE NOUVEAU CODE PENAL
Le nouveau code, apporte néanmoins des innovations relatives à la protection de la femme, de la famille et des enfants, à travers la pénalisation notamment, des mutilations génitales, du harcèlement sexuel, de l’entrave au droit à la scolarisation.
1- L’adultère
Désormais, le mari coupable d’adultère est passible des mêmes peines que son épouse, soit deux à six mois de prison et/ou une amende de 25.000 à 100.000 francs. L’ancien article 361 avait soumis la punition de l’adultère du mari à une condition – soit qu’il a entretenu au domicile conjugal des rapports sexuels avec d’autres femmes que son ou ses épouses, soit qu’il entretient des relations habituelles avec une autre femme (donc même hors du domicile conjugal). Désormais, le mari et la femme sont égaux devant ce texte.
L’homme qui prétend que sa partenaire est son épouse doit rapporter la preuve du mariage. La poursuite ne peut être engagée que sur plainte du conjoint offensé. Ce dernier peut à tout moment demander l’arrêt des poursuites, ou alors faire arrêter les effets de la condamnation prononcée contre son conjoint, en acceptant de poursuivre ou de reprendre la vie commune. (Article 361)
2- L’expulsion du domicile conjugal
L’époux ou l’épouse qui, en dehors de toute procédure judiciaire expulse, sans motif légitime, son conjoint du domicile conjugal s’expose à un emprisonnement de trois mois à un an et d’une amende de 50.000 à 500.000fcfa.
La peine d’emprisonnement est aggravée, de deux à cinq ans si :
– La victime est une femme enceinte ;
– L’expulsion est accompagnée ou précédée de violences physiques ou morales, de la confiscation ou de la destruction des effets personnels de la victime ;
– L’expulsion est commise par une personne autre que le conjoint de la victime. (Article 358-1).
3- Entrave aux droits des enfants à la scolarisation
Le parent qui, disposant de moyens suffisants, refuse de scolariser son enfant est punissable d’une amende de 50 000 à 500 000 francs. En cas de récidive, c’est-à-dire s’il maintient son refus après une première condamnation, il pourra être condamné à un emprisonnement de un à deux ans. (Article 355-2)
4- Entrave à l’exercice du droit de visite
Quiconque entrave l’exercice, par un parent, du droit de visite accordé à celui-ci par une décision de justice sur le ou les enfants communs est puni d’un emprisonnement de six mois à un an et ou d’une amende de 50.000 à 500.000 francs. (Article 355-1)
5- Les entraves au droit de percevoir une pension de réversion
Désormais celui qui empêche le conjoint survivant ou les orphelins de bénéficier de la pension de réversion qui leur est due s’expose à une peine d’emprisonnement d’un mois à un an et/ou une amende de 20 000 à 400 000 francs. (Article 180-1).
6-Harcèlement sexuel
Désormais quiconque, usant de l’autorité que lui confère sa position, harcèle autrui en donnant des ordres, proférant des menaces, imposant des contraintes ou exerçant des pressions dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle, s’expose à un emprisonnement de six mois à un an et à une amende pouvant aller jusqu’à 1 million de francs.
La peine est un emprisonnement de un à trois ans si la victime est une personne mineure et de trois à cinq ans si l’auteur des faits est préposé à l’éducation de la victime, par exemple son enseignant.(Article 302-1)
7-Les mutilations génitales
Celui qui procède à la mutilation de l’organe génital d’une personne, quel qu’en soit le procédé s’expose à une peine d’emprisonnement de 10 à 20 ans.
La peine est l’emprisonnement à vie :
– si l’auteur se livre habituellement à cette pratique ou si elle le fait à des fins commerciales ;
– si la mort de la victime en résulte.
Le seul fait justificatif que le prévenu peut valablement invoquer est la nécessité de sauver la victime. Mais encore, il faudra qu’il soit une personne habilitée. (Article 277-1).
En conclusion
Malgré les innovations remarquables du nouveau code pénal, la violence domestique, le trafic, les mutilations génitales féminines ont encore de beaux jours dans notre société, pourtant les femmes ont, de par la loi, les mêmes droits que les hommes.
En dépit de tout cela, les femmes veulent juste une société plus égale et plus juste, et réclament plus d’accès aux services de santé de qualité, pour réduire taux de mortalité maternelle, plus d’accès à l’éducation, plus d’accès aux postes de responsabilité, plus d’accès aux services financiers, une égalité de revenus.
Pour ma part, l’on ne devrait plus véhiculer l’idée selon laquelle, « derrière un grand home se trouve une grande femme », mais plutôt celle qui dit aux côtés d’un grand homme se trouve une grande femme, car nous portons en nous des vies, nous donnons la vie, nous bâtissons des nations.
Sylvie EKOBE /Juriste