Certaines veuves sont mortes et d’autres portent des séquelles suite aux rites de veuvage qui leur ont été imposés par la belle-famille.
Des veuves réunies le 23 juin 2021 à Douala à l’occasion de la journée de la revendication de leur droit, dénoncent les traumatismes subis au nom de la tradition et implorent les autorités à orienter le combat de plus en plus vers l’allègement des rites de veuvage.
Selon elles, les organisations et l’Etat, privilégient la lutte sur les droits successoraux et les biens matériels mais les vrais problèmes des veuves sont éludés.
«Moi je suis une veuve depuis 14 mois. A la mort de mon mari, on m’a demandée d’aller annoncer le deuil au chef du village avec un porc de 80 000f une enveloppe de 50 000f et un carton de vin. C’est cruel et traumatisant pour une femme qui vient de perdre son époux. Heureusement qu’il y a des magistrats qui travaillent. Le procureur a appelé le chef pour lui demander comment une femme vient de perdre son mari, elle est traumatisée et on lui demande de faire ces dépenses ?», nous raconte dame Adèle, veuve depuis 1 an et deux mois. Elle a failli s’écrouler lors des obsèques de son mari à cause des énormes dépenses que lui imposait la belle-famille, et pourtant, son défunt époux a laissé une dette d’environ 5 millions.
Selon les veuves, l’Etat ne doit pas seulement parler des biens et de la succession mais aussi de la violence physique et morale. «Un traumatisme. Comme si cela ne suffisait pas, ils m’amènent à la rivière dans la nuit à 22 h, que c’est pour protéger les enfants. Ils m’ont amené toute nue au marigot, sans se soucier de la santé d’une vielle femme que je suis, étant même déjà malade. Il faut combattre cette forme de violence après la mort d’un mari», implore mama Adèle.
Une réaction qui a suscité plusieurs autres. Le mal reste profond si l’on s’en tient aux déclarations d’autres veuves, sur les atrocités dont elles ont été victimes au nom de la coutume après la mort de leur mari.
«Je dormais sur trois bambous et chaque semaine on brûlait un. Lorsqu’on a tout brûlé, on m’a amenée un soir nue dans la porcherie, cassé un canari sur ma tête. Me laver avec de l’eau sale, brûler les habits que j’ai portés pendant 3 semaines. J’étais obligée de pleurer en contournant le feu jusqu’à ce que le feu s’éteigne, et surtout mes larmes devaient couler», c’est le cri d’une autre femme veuve. Son mari est mort alors qu’elle avait 65 ans. Il n’y a pas eu de faveur pour elle, malgré son âge avancé. Un cauchemar qui continue de hanter Hélène Dogmo, ressortissante de la Menoua à l’Ouest-Cameroun. Elle a 7 enfants et 22 petits-fils.
Un autre cas non moins pathétique, est celui de veuve Bognou, 61 ans et mère de 7 enfants. A la mort de son mari, elle est accusée de l’avoir tué pour gagner les biens.
«Pendant qu’il était encore souffrant, mes beaux frères m’ont obligée à vendre ces biens. J’ai failli perdre ma vie et abandonné mes enfants pendant le veuvage. Je devais laver le cadavre de mon mari pour les rites. J’ai subi des atrocités qu’à chaque fois lorsque je pense à cela j’ai des insomnies», s’indigne la veuve.
Des témoignages qui ont été recueillis ce 23 juin à l’occasion de la journée internationale des veuves. Sous la supervision du maire de la ville de Douala, un colloque s’est tenu dans la salle des fêtes d’Akwa sur le thème : «La veuve et les droits successoraux : la responsabilité civile de la famille et les dispositions des pouvoirs publics ; les acquis et les perspectives». Un thème qui semble avoir des limites selon certaines veuves, qui estiment qu’on devrait plus s’appesantir sur le traumatisme que subissent les femmes au nom de la coutume.
Rachèle KANOU