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LA PRÉCARITE MENSTRUELLE PERSISTE AU CAMEROUN

Le 28 mai, la communauté internationale et les organismes spécialisés dans la protection des droits des femmes commémorent la journée mondiale de l’hygiène menstruelle.

Initiée en 2013 par l’organisation non gouvernementale WASH UNITED et adoptée par le système des nations unies en 2014, cette journée a pour but de briser les tabous qui entourent encore « les règles  » dans certains pays et interpeller les leaders  sur l’urgence de l’émergence des politiques facilitant l’accès à des infrastructures sanitaires pour la jeune fille.

Le choix du jour, le 28ème du mois, a été effectué en pensant à la durée moyenne d’un cycle menstruel. Le mois de mai est quant à lui le 5ème de l’année, soit le nombre de jours moyen de la durée des règles.

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Les Chiffres…

Selon l’agence française de développement, la question des règles concerne plus de 800 millions de femmes dans le monde et une femme passe en moyenne 2 280 jours à avoir des règles dans sa vie. Le même rapport précise qu’elles sont à peu près 500 millions  de femmes à rencontrer des difficultés liées à l’hygiène menstruelle. La mauvaise gestion des menstrues expose quotidiennement de nombreuses femmes à plusieurs infections vaginales. « Un mauvais entretien du vagin pendant les règles est un boulevard ouvert à plusieurs infections vaginales qui mettent la flore en grand danger » affirme le Docteur  Atangana C, Gynécologue.

Toujours selon l’agence française de développement, les risques d’infection sont de 70% supérieures à la moyenne mondiale en Afrique subsaharienne et particulièrement dans les pays où la distribution d’eau potable reste un luxe.

Au-delà de la santé, la mauvaise gestion des règles est également  un facteur handicapant pour la productivité des femmes. D’après des rapports récemment publiés par l’UNESCO, une fille sur 10 manque l’école en Afrique subsaharienne à cause des difficultés liées aux menstruations. Ce qui représente 20% du temps scolaire perdu en une année. Le Docteur Atangana C. déclare recevoir un nombre important de travailleuses aux heures normalement dédiées au travail. « La plupart d’ entre elles viennent pour des consultations liées aux règles douloureuses » déclare t-elle.

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Les règles, un tabou au Cameroun

Au Cameroun comme dans beaucoup de pays d’Afrique sub- saharienne, les règles sont encore entourées  de tabous. « Beaucoup d’adolescentes ont du mal à parler librement de leurs menstruations à l’école et même face aux médecins, on ressent une sorte de réticence », témoigne le Dr M. Liliane, médecin généraliste. « Si vous observez bien, vous verrez que la majorité des femmes qui parlent de leurs premières règles les évoquent comme un drame. », rajoute-t-elle.

Parler des règles n’est donc pas un fait banal pour la majorité des jeunes filles qui pour la plupart, entrent dans la ménarche sans véritable préparation. Les programmes scolaires n’en parlent presque pas et certains parents très peu éduqués sur le sujet préfèrent laisser leurs enfants construire leurs propres expériences à l’apparition des premières règles. « J’ai eu mes premières règles à 10 ans, en classe de CM2. J’étais toute paniquée parce que je pensais à une grave blessure jusqu’à ce que ma mère me dise qu’il s’agissait de menstruations…c’était la première fois qu’on en parlait»,  témoigne Sandra, aujourd’hui âgée de 35 ans. D’après les résultats d’une  étude menée par Horizons femmes en 2005 sur la gestion de l’hygiène menstruelle au Cameroun, 71% de femmes ont su ce qu’est la menstruation à l’apparition des premières règles.

Le tabou prend des allures de stigmatisation quand on aborde les perceptions rétrogrades encore présentes dans certaines traditions au Cameroun. « Chez moi au nord, les règles sont considérées comme une impureté. La femme qui règle se sent sale, exclue » nous révèle Amina. Pourtant, la région du Nord est classée parmi les régions où la précarité de l’hygiène menstruelle est la plus prononcée du fait du difficile accès à l’eau potable et à l’absence de toilettes convenables dans les écoles.

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Les solutions

Pour le Dr M. Liliane, résoudre le problème de la précarité de l’hygiène menstruelle est bien plus qu’une question sociale, c’est la dignité de la femme qui est en jeu. « C’est regrettable de le dire mais nous en sommes à lutter pour jouir librement de quelque chose qui est biologique, qui nous est imposée par notre genre. », réagit-elle.

Un changement de mentalité portée par une sensibilisation des masses est donc requis. « Il s’agit de faire comprendre aux gens qu’il est normal en tant que femme d’avoir des règles et que la femme qui a ses règles a besoin de prendre soin d’elle » conclut-elle.

Yves T, un économiste en service au ministère de l’enseignement secondaire va plus loin « l’hygiène menstruelle est aussi un problème de développement. Il faut réduire le prix des tampons et autres serviettes hygiéniques pour que toutes les femmes puissent s’en procurer  » argumente-t-il.

Anna, mère de deux adolescentes partage cet avis  » les prix des garnitures grimpent chaque jour, souvent mes filles et moi utilisons des moyens de bord pour faire face aux règles. « , déclare cette commerçante.

 « À tout ceci, il faut ajouter la disponibilité permanente des tampons dans les établissements scolaires et la construction des toilettes décentes dans nos écoles, lycées et collèges » suggère Yves T qui argue que ce type de mesures rejoint les objectifs de développement durable.

John Matou

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