Les combats des femmes défenseures des droits humains de l’Afrique centrale sont à rude épreuve au quotidien, le Redhac, porte le spot sur le sujet.
Dans le panel constitué le 27 novembre 2024 par le Réseau des défenseurs des droits humains en Afrique centrale (Redhac) du Cameroun et du Tchad, en prélude à la célébration de la journée internationale des femmes défenseures des droits humains (FDDH) le 29 novembre, Aïcha Boukar, formatrice au centre de promotion de la femme et la famille de l’Extrême-nord a exposé la situation des actrices qui luttent pour le respect des droits humains dans la région d’où elle est originaire.
A côté de la crise de boko-haram qui est un heurt important à l’épanouissement des femmes et au travail des défenseures des droits humains, les problèmes socio-culturels sont un calvaire.
Entre stigmatisation, trafic d’influence et violences
Préjugés, calomnies et stigmatisation sont le quotidien des femmes défenseures des droits humains dans la région de l’Extrême-nord. En raison des mentalités locales relatives à la place de la femme en société, les activistes sont accusées de corrompre les mœurs notamment dans leur processus d’autonomie des femmes et subissent le rejet même de leurs proches.
« On va vous dire non ce que vous faites-là ce n’est pas votre travail (…) Vous êtes une femme ou même ce que vous faites va à l’encontre de nos valeurs, coutumes, de nos traditions, parce qu’une femme, doit toujours avoir le regard baissé. Elle ne doit jamais lever la voix, elle doit rester à la maison et tout. Pourtant, nous tous ici savons que la femme doit aussi être épanouie, elle doit aussi avoir son travail, elle doit avoir son gagne-pain, elle doit être autonome. Donc les problèmes que nous rencontrons viennent souvent même de nos proches, de nos familles. On dit que quand tu sors, tu corromps les femmes »,
révèle Aïcha Boukar. Il en est de même lorsqu’elles interviennent dans le cadre des violences conjugales. « Tu vois une femme qui subit des violences, tu vas essayer d’intervenir, son mari ou son entourage va venir dire que non ce que tu fais la n’est pas bien. Parce qu’une femme c’est ainsi, dans nos cultures et traditions. Elle doit toujours supporter, elle doit rester. Comment est-ce que tu peux dire à la femme que si ça ne va pas tu peux aller te plaindre ailleurs? », explique dame Boukar. Ce rejet n’étant pas encore digéré, les défenseures se heurtent aux menaces, trafic d’influence qui aboutissent parfois à des violences physiques. « Il y a des dossiers que vous tenez, on vous dit ouvertement que l’affaire que tu engages là, j’espère que tu vas supporter », révèle la formatrice. Ces difficultés sont le commun des différentes femmes défenseures des droits humains en Afrique centrale, particulièrement du Cameroun et du Tchad. Mais la résilience est une chose qui les caractérise.
Le voile levé sur la situation des défenseures dans leur labeur pour la protection et la promotion des droits des femmes et des filles ainsi que leur résilience permet de comprendre le thème « Situation des jeunes filles et femmes défenseures des droits humains en Afrique centrale : entre silence contraignant, résilience et courage », retenu pour la présentation officielle du rapport 2023-2024.
C’est en reconnaissance de leur engagement impressionnant dans un contexte obstrué que des certificats courage ont été remis à plus de dix femmes défenseures des droits humains. Parmi les distinguées, dame Aïcha Boucar et dame Clarence Yongo, la journaliste et promotrice du Web média Griote tv, traitant des sujets relatifs aux femmes et aux enfants.
Pour remédier aux problèmes rencontrés par les défenseures et mettre fin à toutes les violations des droits humains, Me Alice Nkom Co-PCA du Redhac interpelle le Président de la république Paul Biya pour l’exploitation des instruments juridiques nationaux et internationaux relatifs à la protection des droits humains. L’avocate exige du chef de l’Etat qu’il fasse son job. « Il ne faut pas avoir peur de poser le problème et de désigner les acteurs quels qu’ils soient, même si c’est le Président de la république qu’il fasse le job. Et les droits des femmes sont liés aux autres droits à l’exemple de la déclaration universelle des droits de l’Homme sur laquelle le président que nous avons nommé à ce poste a prêté serment. Donc il faut appliquer les lois, respecter les uns et les autres. C’est un travail immense, un travail qui demande de la volonté politique à venir », a déclaré la juriste.
L’encadrement et la protection des défenseures des droits humains en Afrique centrale est donc un défi immense afin que les droits des femmes soient respectés.
Chanelle NDENGBE