Les visages d’enfants et adolescents faisant du commerce ambulant dans les rues camerounaises, sont populaires durant ces moments de vacances et mitigent les sentiments.
Au marché Central de Douala, la rédaction de Griote s’est rendue ce dimanche 16 juin 2024 pour toucher du doigt la réalité des enfants-commercants, à l’occasion de la 34e édition de la Journée de l’enfant africain. Plusieurs profils de mineurs dans ce marché, vendent dans des conditions différentes qui divisent les parents à qui nous avons donné la parole.
Des enfants-commerçants exposés à la violence
Au marché central, la plus jeune des mineurs que nous rencontrons porte un panier de poissons fumés (bifaka) qu’elle a parfois sur sa main, parfois au dessus de sa tête et propose aux passants. Notre jeune commerçante ne révèle pas son nom par obéissance aux instructions de sa maman, mais nous informe qu’elle a 11 ans et va en Class III dans le sous système éducatif anglophone. Elle vend pendant les vacances et les week-ends depuis l’année dernière, à la demande de sa maman, son papa vivant au village. La fillette qui vit à environ 200 mètres du marché, vient et rentre à pied. Malgré les instructions de sa maman relatives à sa sécurité, l’enfant dit avoir souvent été victime de menaces. « Il y a souvent des gaillards qui m’appelent en me grondant, ils veulent prendre l’argent du commerce, mais je fuis et je ne passe plus par là bas », révèle la fillette.
Cabrel, 13 ans va en classe de 3e et parcourt le marché avec un seau d’eau ensachée sur la tête. C’est l’activité que le jeune adolescent mène pendant son séjour chez son oncle à l’occasion des vacances scolaires. Cabrel révèle n’avoir pas peur et 18h ne le trouve pas au marché. Pour Caleb, aujourd’hui 19 ans, passant en 1ere F3, il s’est lancé dans la vente d’arachide quand il avait l’âge de 16 ans pour soutenir ses études. Parfois sur place, parfois se promenant avec sa marchandise, cette activité lui permet de préparer sa rentrée scolaire, et s’est pourquoi il n’a jamais succombé au menaces qu’il a rencontrées au début, venant notamment des conducteurs de moto-taxi qui parfois plongeaient les mains dans son plateau.
Enfants, soutiens des mamans dans leur commerce …
A coté des mineurs qui vendent en toute indépendance et abandonnés à eux-mêmes, on rencontre des mineurs dont l’activité commerciale est supervisée sur place par leurs aînés ou parents. C’est la cas du jeune Promise, 13 ans, passant en Form III. Au marché, ce garçon est tout seul devant des kaolins qu’il casse, emballe et vend. Mais lorsque vous achetez sa marchandise, il peut vous proposer d’autres épices que vous trouverez chez sa maman à quelques mettre de lui. C’est cette astuce que sa maman Idella a trouvé pour augmenter sa clientèle. C’est depuis qu’il est au CE2 que Promise passe ses vacances au marché avec sa mère. C’est parce qu’il est apprécié de sa clientèle et fait de bon résultats que sa maman l’a jugé digne de tenir à lui tout seul un espace. Il n’a recours à sa mère qu’en de cas besoin de forte monnaie.
Promise révèle qu’il fait souvent face aux clients suspicieux et au concurrents jaloux.
« Parfois il y a des gens qui viennent, ils veulent me distraire pour voler, d’autres me flattent pour que je baisse trop le prix. Il y a aussi les mères qui veulent aussi me distrairent même en m’envoyant. Heureusement que ma mère m’avertis ».
Regard des parents, alerte sur l’insécurité (Kidnapping, viol, vol)
Plusieurs parents révèlent que c’est parce que les conditions de vie sont difficiles qu’ils amènent leurs enfants à faire cette activité. C’est le cas d’Idella, maman de Promise.
« C’est parce que c’est pas facile qu’il vient ici avec moi. C’est même dangereux parce qu’on peut le voler, mais j’essaie de donner le maximum de conseils et de stratégies. Heureusement il écoute, j’ai la chance qu’il est intelligent « ,
dit la maman. Pour une commerçante, tous les enfants n’ont pas la chance d’être éveillés ce qui rend le commerce de la rue dangereux pour la classe des mineurs .
« C’est vrai que c’est la pauvreté qui fait, mais ce n’est pas du tout prudent que des mineurs se promènent comme ça avec des marchandises. Il y a des enfants qui ne sont pas très éveillés, les gens mal intentionnés peuvent demander à les amener dans un coin pour la monnaie et c’est comme ça que l’enfant est porté disparu. C’est aussi comme ça que les jeunes filles sont violées. Le vol alors, on voit des cas ici tous les jours. Par exemple il y a un enfant qui vend de l’eau en sachet, les nanga boko viennent souvent prendre, le moment de payer, ils ne payent pas, et quand le garçon se plaint, ils demandent: « tu vas faire quoi »? Et effectivement qu’est ce qu’il va faire s’il n’est qu’un enfant ? ».
Témoigne une quinquagénaire vendeuse de lingerie au marché central de Douala. La commerçante ajoute qu’il est préférable que les enfants qui vendent le fassent auprès de leurs parents qui ont constamment l’oeil sur eux. Aussi, la quinquagénaire pense que les meilleurs activités pour ces mineurs en période de vacances sont relatives à la formation et à l’éducation. « C’est seulement les moyens qui font défaut, sinon des enfants comme ça, c’est mieux d’apprendre un métier et faire des cours de vacances en cette période ».
Certains parents interrogés hors de ce marché estiment aussi qu’ amener les enfants à vendre dans la rue ou dans une boutique c’est les préparer à affronter les défis de la vie dans un Cameroun où la précarité a élu domicile. Toutefois à quel prix? S’interrogent plus d’un. La question de la sécurité reste ainsi soulevée, afin de prédisposer les parents d’enfants-commerçants à prendre les mesures nécessaires pour protéger leurs mineurs.
Chanelle NDENGBE