La petite Caro Louise Ndialle âgée de 5 ans a été inhumée quelques heures après son décès, sous le regard éploré de sa maman.
Une fin tragique pour cette petite innocente dont les balles tirées par un gendarme ont explosé le crâne. L’horreur s’est produite hier dans la région du sud-ouest Cameroun au lieu-dit Bokova non loin du marché central de Buéa dans le département du Fako.
Les faits
Il était environ 8 h lorsque la maman de Caro Louise, la conduisant à l’école, est interpellée à un poste de filtrage de la gendarmerie nationale. La dame n’aurait pas voulu obtempérer selon la version donnée par le ministère de la défense. Après des échanges surchauffés avec un gendarme qui, dit-on voulait procéder à une fouille du véhicule, elle va refuser et tenter de continuer son chemin. C’est ainsi que l’agent de sécurité publique va ouvrir le feu sur la voiture. La balle va mortellement atteindre la petite fille, assise sur la banquette arrière. Les cris de la maman et le bruit du tir vont alerter les riverains. Sur place, ils constatent l’horreur. La petite Caro Louise Ndiallé est étalée dans la voiture, le crâne explosé, gisant dans une mare de sang.
Vindicte populaire contre le gendarme
C’est une colère qui envahit les cœurs. La situation est tendue, dans la ville de Buéa. Une vraie étincelle dans la poudrière qu’est aujourd’hui cette partie du Cameroun en proie à une grave crise sécuritaire depuis bientôt cinq ans. Le gendarme est bastonné et lapidé par la population en furie sous l’œil impuissant de ses collègues. Son corps est abandonné sur la chaussée.
Le corps de la petite est porté par un homme qui est suivi par des centaines de personnes. Ils vont faire le tour de la ville de Buéa avec la dépouille de cette dernière qui se rendait pourtant à l’école. Direction; service du gouverneur du Sud-Ouest, Bernard Okalia Bilai. Le patron de la région exprime son désarroi et rassure que les responsabilités, seront établies.
Le choc
Les images et vidéos insoutenables de la dépouille de Caro Louise et celle du gendarme envahissent la toile. Une femme présentée comme la grand-mère de la défunte se met nue, pleurant à chaudes larmes devant le cadavre de la fillette. Dans une autre vidéo, c’est la maman de la petite qui affiche un comportement dépité. La scène est choquante.
Vague d’indignation
Sur les réseaux sociaux, la photo de Caro Louise est à la Une. Rest In Peace (Repose en Paix) et des messages de soutien accompagnent ses images. La communauté est en colère, allant des influenceurs au artistes passant par la classe politique et même civile qui expriment son indignation.
Un acte de trop perpétré par un agent de force de l’ordre et de sécurité sur des civils.
« Avant Hier c’était Kevin à bafoussam! Hier c’était le jeune homme de Puma. Aujourd’hui c’est Cet enfant de 03 ans à Buea !(Caro Louise a 5 ans) Il est temps d’agir dans le sens de mettre un terme à la violence de nos forces de maintien de la paix sur la population »,
déplore Nourane Fotsing, députée PCRN.
Elle décrie le caractère impulsif et violent des hommes en tenue. Rappelons qu’elle a fait face à une rude riposte d’un officier de police alors qu’elle tentait de traverser de force une barrière à un poste de contrôle.
La réaction d’Alice Sadio a été immédiate.
« Le NoSo, l’exécution de cette enfant, ne sont que la partie visible du monstre entretenu par une certaine racaille villageoise, ennemie déclarée de la République, qui n’a rien compris du sens et de l’essence de l’Etat-Nation. Du caractère sacré des droits de l’homme qui sécuriseraient tout le monde, que l’on soit riche ou pauvre »,
a écrit la femme politique sur son compte Facebook. Et de s’interroger sur la qualité de formation qu’on offre aux forces de défense et de sécurité.
«Quel peut bien être le contenu de la formation inculquée à des FDS chez nous ? Que leur prêche-t-on donc pour qu’ils se comportent de la sorte vis-à-vis des populations qu’ils sont censés protéger ? ».
Des artistes ont levé le ton pour crier le ras-le-bol de la population anglophone du Cameroun.
«Si les militaires ne peuvent pas assurer notre sécurité et celle de nos enfants, alors certains d’entre eux ne devraient pas porter ces uniformes»,
s’indigne l’artiste musicienne Daphné E.N.
Elle est soutenue dans cette indignation par plusieurs autres artistes à l’instar de Askya.
«Il n’y a aucune excuse, aucune justification. Copier la plaque d’immatriculation et suivre la voiture. Sortir votre arme pour tirer sur une personne vivante, juste parce qu’elle est partie et a refusé de vous donner 500f »
Car en effet, certaines versions indiquent qu’il y a eu une histoire de racket qui a mal tourné.
D’un autre côté, ce sont des internautes et même certains hommes et femmes qui accusent la maman d’être à l’origine de ce double drame. Elle aurait dû obtempérer selon eux. On note par exemple la publication de l’artiste de Bikutsi Majoie Ayi qui invitait les populations à obéir lorsqu’elles sont interpellées par la police ou la gendarmerie.
Après cette sortie, elle va faire face à un lynchage des internautes. La publication va être supprimée et dans un direct sur sa page Facebook, elle dira ne pas être l’auteur de cette publication sur sa page officielle accusant au passage son community manager.
L’armée nationale regrette un malheureux incident
La réaction du gouvernement attendue est arrivée, en milieu d’après-midi par un communiqué du ministère de la Défense. Le texte dit en substance que la maman de Caro Louise interpellée à un poste de filtrage de la gendarmerie nationale, a refusé d’obtempérer. Et c’est en voulant immobiliser le véhicule de la dame que la balle a pris la tête de la petite.
«En effet, le poste de filtrage de la Gendarmerie Nationale installé à BOKOVA a interpellé le véhicule de marque TOYOTA, modèle PICNIC, sous immatriculation de châssis CH 068122. Refusant d’obtempérer le conducteur a poursuivi sur sa lancée en accélérant pour s’échapper en direction du Stade Omnisports de Molyko, où il sera rattrapé par le binôme de Gendarmes lancé à sa suite»,
informe le communiqué du ministère de la défense. Et de poursuivre.
«Après les procédures d’identification d’usage, le ton est inexplicablement monté entre les deux Gendarmes et le conducteur, fermement opposé à la fouille de son véhicule au point d’engager une nouvelle manœuvre de fuite. Dans une réaction inappropriée, inadaptée à la circonstance et manifestement disproportionnée par rapport au comportement irrévérencieux du conducteur, un des Gendarmes, au mépris du sacro-saint principe de précaution, a procédé à des tirs de sommation dans le but d’immobiliser le véhicule. C’est alors que la nommée Caro Louise NDIALLE, jeune élève âgée d’environ 05 ans et se trouvant à bord du véhicule en question, sera mortellement atteinte par balle à la tête».
Tout en présentant les condoléances aux familles des victimes, le gouvernement ouvre une enquête pour établir les responsabilités.
Rachèle KANOU