En quelques jours, une femme a été tuée sortant de la gare routière de Mvan à Yaoundé, tandis qu’une autre a été enlevée avec ses deux enfants.
Ce 08 mars 2023, la ferveur de la journée internationale des droits des femmes bat son plein au quartier Mvan à Yaoundé mais la prudence reste de mise pour les nombreuses femmes qui ont envahi les gargotes et caboulots voisins des agences de voyages. » C’est la fête mais ici, si tu essaies de perdre la tête, tu es finie » nous confie Madeleine, une jeune femme venue se défouler en compagnie des membres de son association.
À quelques mètres de la noceuse, Eric, un vigile reconnaissable par l’inscription « Sécurité » ostentatoirement flanquée sur sa chasuble de couleur orange fait le guet devant l’entrée principale d’une célèbre compagnie de transport interurbain qui dessert les villes de Yaoundé et Douala.
» Le patron a demandé de bien surveiller les gens et de protéger toutes les entrées de l’agence parce que lundi dernier, on a égorgé une fille à côté de l’agence d’en face. »,
nous révèle l’agent de sécurité en pointant du doigt Général voyage.
A Mvan, l’insécurité donne l’image de film western
En effet, très tôt dans la matinée du lundi 06 mars 2023 le corps lacéré et sans vie de Danielle Zousse, 21 ans, a été retrouvé dans une marre d’eau dans le périmètre de la Magzi juste à quelques jets de pierres du parking de Général Voyage. Au sujet de ce crapuleux assassinat Éric affirme que la jeune femme en provenance de Douala serait arrivée par l’agence de voyage concurrente et qu’il est difficile de déterminer avec exactitude ce qui s’est réellement passé.
« Je n’ai pas travaillé la nuit-là mais je sais que ce coin est très dangereux » nous lance-t-il. » L’autre jour, une maman est arrivée avec ses deux enfants dans une agence de voyage située vers le carrefour et le temps d »arranger ses bagages, ses deux enfants avaient disparus comme par magie. »,
relance notre informateur, comme pour soutenir son propos.
»Une autre femme a été dépossédée de son téléphone par un voyou alors qu’elle descendait d’un de nos bus. Mes collègues et moi nous avons pu neutraliser le bandit mais alors que nous l’amenions au poste de police à bord d’un taxi, les membres de son gang nous ont tendu une embuscade et l’ont fait sortir du véhicule. »,
Ajoute-t-il.
Selon Éric, la zone de la gare routière de Mvan est très dangereuse pour la gent féminine.
Il affirme qu’il ne se passe pas un seul jour sans qu’il ne soit témoin d’une scène où une femme se fait ravir son téléphone ou un autre objet précieux sous les yeux médusés des passants et autres usagers des agences de voyage figés par la peur.
Des témoignages recueillis sur les lieux expliquent cette non-assistance récurrente par la violence des malfrats.
» Quand on agresse une femme ici, personne ne peut intervenir. Les drogués utilisent la technique du « Tayam ». Ils sont armés de lames de rasoir pour entailler le visage de leurs victimes et de toutes les personnes qui essaient de jouer les héros en volant au secours de qui que ce soit. «
Justifie Flavien, un chargeur de bagages à l’allure pourtant sportive. « Les petits qui agressent les gens ici ont le sang à l’œil, ils sont sans pitié » Telle est sa défense quand nous essayons de lui expliquer qu’intervenir, dans ce type de cas, pourrait sauver des vies.
Au fil des années, le laisser-aller et la peur ont fini par installer un climat d’insécurité digne du far west au niveau de la gare routière de Mvan. Des adolescents adeptes de drogues durs y font leur loi et occupent des repères d’opération sans que personne ne puisse broncher. Des femmes sont quotidiennement agressées alors que les éléments de l’unique poste de police peinent à mettre la main sur les hors la loi.
« Les policiers, on ne les voit qu’après coup à l’occasion des opérations des rafles éclairs qu’ils organisent le lendemain des drames comme l’assassinat de la jeune Danielle »,
déclare Flavien.
« C’est clair que les policiers ont échoué, il faut que les patrons des compagnies de voyages se mettent ensemble pour sécuriser Mvan, il y va aussi de leur business «
renchérit l’un des collaborateurs de Flavien.
En attendant que la sécurité des passagers ait raison des intérêts affairistes, le chargeur de bagages conseille la sobriété et la prudence absolue.
« Les filles aussi doivent arrêter de s’accoutrer comme des parisiennes et d’exhiber leurs téléphones de grands prix quand elles viennent prendre le bus. De telles attitudes font d’elles les cibles privilégiées des criminels »,
conclut-il.
John Matou