Parce qu’ils sont atteints d’un trouble neurologique qui affecte leur comportement, les enfants autistes méritent une attention particulière, nécessaire pour leur encadrement. 

Ils sont près de 3000 enfants qui naissent autistes chaque année au Cameroun, selon des chiffres du ministère de la santé publique publiés en avril 2023. La situation est délicate pour ces milliers d’enfants souvent laissés pour compte en raison de leur particularité, d’où la naissance d’initiatives pour y remédier.

« Comprendre le fonctionnement de la personne autiste », est le thème de la conférence animée par l’éducatrice spécialisée Yolande Goufack, rencontre tenue au siège de l’Association Peace Bus le lundi 22 juillet 2024. Pour l’oratrice, cette initiative émane de la volonté à briser les barrières liées à l’intégration sociale et professionnelle.

« C’est déjà de savoir que la personne autiste est une personne humaine, c’est une personne comme nous autres, mais dont le traitement cognitif, le traitement de l’information est différent de nous autres. Donc c’est très important de comprendre comment ces personnes traitent l’information pour pouvoir faire une prise en charge adéquate »,

explique dame Goufack. La conférence qui a réuni parents et enseignants spécialisés sur l’autisme a développé plusieurs points de la compréhension des personnes autistes.

Faire le portrait de votre enfant autiste

Selon dame Goufack, l’établissement du portrait de l’enfant est important pour une «compréhension holistique» de ce dernier, « et ajuster les attentes aux capacités et au niveau de fonctionnement de l’enfant ». Cette compréhension nécessite ainsi pour l’enseignant ou le parent d’enfant autiste à s’investir dans la réponse aux questions suivantes : Quels sont les centres d’intérêts de mon enfant autiste ? Ses préférences ? Quelles sont ses forces et ses difficultés ? Ses particularités sensorielles ? Quelles sont ses difficultés invisibles? et bien d’autres dont dans quelles circonstances apprend-t-il le mieux ? Ce qui amène à tenir compte de ses particularités dans son encadrement.

Privilégier les outils visuels

L’enfant autiste est plus à l’aise avec des images. Il s’exprime mieux à travers elles. Son analyse des outils visuels d’apprentissage mis à sa disposition permettent à son encadreur de détecter ses particularités et d’agir en conséquence dans sa prise en charge. Pour Dame Goufack, c’est très important de tenir compte des particularités de l’enfant autiste. Les enseignants ne devraient pas être calqués dans un modèle d’enseignement qui voudrait par exemple que l’apprenant reçoive la leçon étant assis. Certains enfants autistes apprennent mieux lorsqu’ils marchent. Il revient à l’enseignant de détecter cela chez son apprenant et créer l’univers d’apprentissage qui sied à ce dernier, de même pour les parents. C’est également important pour accompagner l’enfant autiste dans ses transitions, telles l’entrée à la maternelle, à l’école primaire, dans l’adolescence… Ce sont des moments extrêmement délicats que la compréhension du fonctionnement de l’enfant autiste permet d’assurer. Cette prise en compte des particularités permet aussi de ne pas baisser l’estime de l’enfant. L’oratrice l’a illustré dans le cas des enfants qu’on force à répéter certains mots ou phrases, si un parent ou un enseignant est conscient de cette difficulté chez son enfant, le moyen de remédier n’est pas dans le fait de le forcer, au risque de lui faire perdre foi en lui.

Coopération parents-enseignants- psychologues pour des approches gagnantes

Comprendre les enfants autistes dont on a la charge est une entreprise rigoureuse qui passe par une collaboration entre les parents, les éducateurs spécialisés sur l’autisme et des psychologues. Cette coopération est importante pour élaborer des stratégies permettant à l’enfant autiste de se dévoiler et d’exprimer son potentiel.

Cette conférence a été édifiante pour les participants pour la plupart membres et leaders d’associations pour personnes autistes. Dame Aminatou Djeuga est maman de trois enfants autistes.

« Je ressors d’ici avec beaucoup d’informations sur le regard qu’on doit avoir sur nos enfants. On a pu comprendre qu’il est important d’aller cherchez leurs réels besoins sans toujours chercher à leur imposer ce que nous avons comme attentes. J’ai beaucoup aimé apprendre ça, parce que c’est quelque chose qui nous manque. Parfois ils ont des comportements qu’on n’arrive pas à comprendre, on ne cherche pas à comprendre leurs besoins dans le sens de leur tenir la main pour mieux les encadrer »,

témoigne le parent.

Cette conférence s’est tenue au siège de Peace Bus Association en raison d’une collaboration avec l’Association Handicap’ Action dont Yolande Goufack est la promotrice. Peace Bus qui œuvre pour la paix et l’intégration des victimes des violences basées sur le genre a jugé ce programme utile pour remédier à l’intolérance qui sévit au Cameroun.

« Nous vivons dans un monde dans lequel les différences dérangent, les différences ne sont pas bien perçues. Les personnes «différentes » se sentent parfois rejetées. Et les personnes dites «normales » parfois n’acceptent pas la collaboration ou la présence des personnes qui vivent avec un handicap… Et si aujourd’hui nous avons permis qu’il y ait cet échange chez nous, c’est bien parce que nous voulons faire comprendre à tout le monde et particulièrement aux enfants que nous recevons dans notre camp de vacances qu’il est important que les barrières soient brisées »,

explique dame Viviane Nguimeya, promotrice de Peace Bus Association.

Les enfants dudit camp de vacances ont à cet effet également été formés à la compréhension des enfants autistes par dame Goufack. Ils ont chacun reçu un livre dont le titre est «l’Autisme raconté aux enfants » afin de briser les stigmates dès la base.

Chanelle NDENGBE