La jeune femme avait été accusée injustement d’avoir figuré dans une sextape avant d’être violée; trois ans après, ses bourreaux vivent en toute impunité au Cameroun.
De victime de la violence virtuelle à victime de la violence physique, Christelle Mirabelle Lingom a vécu un cauchemar d’une atrocité indescriptible avant son décès survenu le 6 septembre 2021, alors qu’elle avait 25 ans. L’affaire portée devant les autorités est toujours pendante au tribunal, trois ans après, mais le frère de la victime ne lâche pas prise et continue d’espérer que justice sera faite pour sa jeune sœur.
L’affaire sans cesse reportée au cours des audiences, devant le grand-frère assoiffé de justice
Le mois de septembre nous rappelle le décès de Mirabelle Lingom, après mille tourments liés au cyberharcèlement, perpétré par des militants du Parti camerounais pour la réconciliation nationale (PCRN), qui l’ont faussement accusée d’avoir participé à une sextape, en juin 2021. La justice saisie pour laver l’affront depuis le vivant de la jeune femme n’a encore rendu aucun jugement, et l’affaire est sans cesse reportée lors des audiences, nous apprend le frère aîné de Christelle Mirabelle, sieur Réné Ngue Bikob.
Chaque levée d’audience s’apparente ainsi à une déception pour le parent de la défunte qui reste toujours fidèle au rendez-vous du tribunal, en quête d’une justice pour sa cadette. « Je suis au tribunal à chaque audience, je ne manque pas une seule audience depuis la mort de Mirabelle. Même si je suis seul, je m’y rends, même si à chaque fois c’est le report. On renvoie toujours l’affaire », révèle sieur Ngue Bikop. La solitude accompagne en effet le parent de la jeune femme, selon ses déclarations à Griote. Dans des audiences, les avocats brillent par leur absence. Réné dit tout de même être fortifié par le soutien de Me Charlotte Tchakounte.
Des bourreaux non inquiétés ?
En attente du verdict du tribunal, les bourreaux de Christelle Mirabelle ne semblent pas être inquiétés, selon notre source. Le principal bourreau, Louis Bapès-Bapès a été emprisonné quelque temps après la mort de Mirabelle, mais a été relâché environ trois mois plus tard sous caution. « Celui qui est le principal bourreau même, Louis Bapès-Bapès, il a été arrêté, il y a plus d’un an, il a passé quelque chose comme trois mois en détention. Il est sorti sous caution de 500 000 francs fca », indique le parent de la victime. Les camarades et complices de Bapès ( Clotaire Nguedjo, Jean Louis Batoum) quant à eux n’ont passé qu’une seule nuit en cellule. «Deux autres avaient été arrêtés, le lendemain de leur arrestation on se voit au tribunal de Ndokoti. Je vois leur président Cabral Libii sortir du bureau du procureur et c’est comme ça qu’ils ont été libérés », renseigne Réné. Le dernier accusé Fritz Messey n’a quant à lui jamais été arrêté. Aujourd’hui la situation des cyberharceleurs de Mirabelle Lingom semble échapper au frère de cette dernière, malgré le procès en cours. La prochaine audience est prévue pour le 8 octobre au tribunal de première instance de Ndokoti, sieur Réné Ngue Bikob espère que ce sera la dernière audience et marquée par la prononciation de la punition des cyberharceleurs de Mirabelle, afin que justice lui soit faite.
C’est alors que l’affaire Malika Bayemi bat son plein en 2021, que le nom de Christelle Mirabelle Lingom parait sur la toile de la plus horrible des façons. La jeune femme jusque-là retirée des réseaux sociaux entend qu’elle est citée dans une sextape en compagnie du lanceur d’alerte Paul Tchouta. Une manœuvre de son ex-petit ami Louis Bapès-Bapès pour se venger de la séparation qu’elle avait decidée. Aussitôt, la situation de la jeune femme avait été politisée, étant le sujet d’un conflit entre militants du PRCN et des ceux du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC). Déjà touchée dans sa pudeur sur les réseaux sociaux, Mirabelle a par la suite été violée par des individus non identifiés alors qu’elle rentrait de son travail, la nuit du 10 juillet 2021. Le traumatisme de la jeune femme était si aiguë que les soutiens exprimés n’ont pas suffi pour la ressaisir. Accusée même de diffamation alors qu’elle essayait de se défendre, elle a succombé le 6 septembre 2021. La jeune orpheline de père qui venait juste de finir sa formation à l’école de développement des collectivités locales de l’institut national de la jeunesse et des sports s’en est allée aussi tristement, après avoir été livrée à la violence sur internet. Elle est pour Griote Tv le symbole même de la cyberviolence et du cyberharcèlement au Cameroun, elle a été inhumée le 25 septembre 2021.
Chanelle NDENGBE