Le jour où Bibiana est confrontée de façon réelle aux affres de la crise anglophone en 2016, elle donne cours dans un lycée de la région du Nord-Ouest.
Dans la précipitation, un groupe de jeunes entre dans sa salle de classe et lui demande de sortir. Elle apprend quelques minutes plus tard que les cours sont aux arrêts, les membres des groupes armés ayant ainsi décidé. Tout de suite, elle dit avoir essayé de comprendre, mais il était difficile d’expliquer pourquoi une attaque était dirigée contre l’école. Au cours de ses travaux sur le terrain avec son ONG Bihndumlem Humanitarian Association of Peace and Hope, elle reconnaissait quelques jeunes qu’elle avait enseignés, beaucoup se plaignant de leurs mauvaises conditions de vie. Ils avaient donc rejoint les groupes armés.
Lorsque tout cela arrive, elle mène déjà des recherches sur le génocide Rwandais. Elle préparait un livre qui finalement est sorti en 2018. « Rwanda-Horrors of Génocide : Prevention is possible in our world today. (Ndlr) Rwanda-Horreurs du Génocide : La prévention est possible dans notre monde d’aujourd’hui.». Dans cet ouvrage, elle analyse les dynamiques du conflit afin de comprendre comment on aurait pu éviter la boucherie humaine que cela avait occasionné.
Faisant une analogie avec la situation des régions anglophones du Cameroun, elle a continué à travailler avec les jeunes qu’elle encadrait déjà au sein de l’ONG Bihndumlem Humanitarian Association of Peace and Hope dont elle est la fondatrice.
Par l’intermédiaire de cette organisation, elle forme la jeunesse dans divers modules dont la non-violence, l’entrepreneuriat, la réinsertion. Au cours de ses activités, elle a été à plusieurs reprises victime de menaces de la part des groupes armés et forces de défense, chaque entité pensant qu’elle est en complicité avec l’autre.
Entre le marteau et l’enclume certes, mais elle n’a jamais baissé les bras. Bibiana est une travailleuse acharnée et une artisane de paix. Elle est membre de Cameroon Women’s Peace Movement (CAWOPEM), une organisation féminine qui promeut la paix dans notre pays. C’est donc sans surprise qu’elle a été appelée comme observatrice dans la commission d’enquête visant à faire la lumière sur le massacre de Ngarbuh.
Face à quatre hommes, Bibiana Mih Dighambong dit ne jamais s’être sentie en minorité, car elle a été appelée en tant qu’experte ayant oeuvré sur le terrain et non en se référant à un autre argument. Un travail d’équipe a été mené et les résultats sont aujourd’hui connus, dont la mort de «trois (03) femmes et (10) enfants».
En rappel, le 14 février 2020, des femmes et des enfants ont été tués à Ngarbuh dans le département du Donga-Mantung, région du Nord-Ouest. Cela faisait suite à un échange de tirs entre groupes armés et forces de défense, selon la communication gouvernementale. Il y a eu contradiction entre la version des faits des ONG et celle du ministère de la défense, d’où la mise sur pied d’une commission d’enquête.
Pour Bibiana, la guerre et la violence n’ont jamais été la solution à un quelconque problème, surtout que les femmes et les enfants en sont les premières victimes alors qu’ils ne sont pas présents sur le théâtre des conflits. Elle prône la réconciliation et le pardon, afin qu’il n’y ait plus jamais une histoire similaire à celle de Ngarbuh.
Clarence YONGO