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MOUVEMENT «TROP C’EST TROP»: DES INSTITUTRICES DEVIENNENT FEMMES DE MÉNAGE OU VENDEUSES DE FRIANDISES POUR ARRONDIR LES FINS DE MOIS

Les histoires de vie de nombreuses femmes enseignantes donnent froid dans le dos.

Elles disent être obligées d’exercer certaines tâches en parallèle avec leur métier d’enseignante pour pouvoir joindre les deux bouts.

Femmes de ménage, bayam-sellams les week-ends, vendeuses de friandises aux élèves sont entre autres moyens qu’elles emploient pour prendre soin de leurs familles.

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Francine porte  encore le deuil de l’enseignant Hamidou, le professeur de sport décédé il y a quelques jours et qui avait passé 10 ans de service sans matricule. Dans une robe noire, elle est assise devant une salle de classe et à coté d’elle, un tableau sur lequel on peut lire «OTS/TCT.  TROP C’EST TROP. L’enseignant réclame ses droits et de meilleures conditions de vie. Nous voulons vivre».  La jeune dame, a obtenu son Certificat d’Aptitude Pédagogique d’Instituteurs de l’Enseignement Maternel et Primaire (CAMPIEMP) depuis 2009. D’abord enseignante sous le statut de maître des parents pendant 7 ans dans des écoles publiques,  elle a été intégrée à la fonction publique en 2016. Mais ce n’était pas la fin de son calvaire.

«Quand l’Etat m’a recrutée, j’ai fait un an sans salaire et  jusqu’aujourd’hui, je n’ai pas eu mon rappel de salaire. Et quand bien même j’ai commencé à toucher, je ne vis qu’avec ce salaire de base. Je n’ai pas d’avancement, je n’ai pas de prime de non logement, je n’ai pas de prime de rendement, je n’ai rien, parce que chaque fois que tu constitues les dossiers on te demande le pourcentage».

Francine est célibataire et mère de 6 enfants. Elle a un salaire de moins de 100 000F CFA nous dit-elle. Enseignante à l’école publique de new bell aviation groupe 3 située dans le deuxième arrondissement de la ville de Douala. Elle débourse environ 1000f CFA de transport chaque jour partant de Ndogpassi où elle vit, pour rallier son lieu de service. Il lui arrive souvent de faire certaines tâches le week-end pour avoir un peu d’argent pour la semaine.

«Je ne me nourris pas bien, mes enfants également. Je dois jouer le rôle de ménagère les week-ends dans les maisons des gens ou bien aider les services traiteurs dans les cérémonies pour pouvoir joindre les deux bouts. Comme mes collègues, je suis le meilleur client de la banque. Je suis obligée de faire des prêts à chaque fois pour subvenir aux besoins des enfants et on me retranche cela sur 4 ans. Est-ce que je pourrais envoyer mon enfant dans une bonne école de formation? Non»,

déplore la jeune dame.

Contraintes de jouer les tâcherons dans certains services pour arrondir les fins de mois…

Femmes de ménage, bayam-sellams les week-ends mais aussi vendeuses de biscuits, bonbons, caramels et d’autres friandises à l’école, elles sont parfois la risée de leurs propres élèves.

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«Une enseignante ne devrait pas vendre. Mais je fais comment? J’ai faim, j’ai faim. J’ai les gros garçons à la maison, comment je fais pour les nourrir? Pourquoi je dois vivre cette vie de misère parce que j’ai choisi ce noble métier?  Je devrais aussi me rendre à mon service à bord de mon véhicule, porter de beau vêtement, mais que non, l’argent que je perçois en miette ne me permet pas de me nourrir et pire encore je dois dépenser au moins 1500 f de transport tous les jours pour me rendre à l’école»,

dénonce en larmes Béatrice. Cette femme d’une cinquantaine d’années est enseignante à l’école publique new bell aviation groupe 2.

93000fcfa est le salaire de base des enseignants du primaire….

Ils passent de nombreuses années sans avancement qui devrait pourtant être automatique, l’inexistence de prime de rendement, la prime de non logement est absente. En fait, pour entrer en possession de tous ces avantages, il faut avoir le «réseau» et  accepter de payer un certain pourcentage.

«Il n’y a que les prières qui nous sauvent. Mon mari ne travaille pas, donc je porte presque toutes les charges de la maison avec un salaire de 93000F. Même pour une moindre prime, il faut corrompre. Nous sommes fatigués de tout ça, nous sommes épuisés en famille. Et les propos des autorités me heurtent personnellement, j’ai l’impression d’être une personne sans valeur, d’être étrangère dans mon pays, il faut que ça cesse»,

martèle Dame Kamga Nono, une autre enseignante.

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Ces enseignants sont été classés par catégories. Des instituteurs vacataires, contractuels et contractualisés, des fonctionnaires. Ils raclament ce qui leur revient de droit, la paye de leur service rendu à l’Etat.

La réaction de leur ministre de tutelle est arrivée comme de l’huile sur le feu. Notons qu’il y a quelques jours Laurent Serge Etoundi Ngoa, ministre de l’éducation de base félicitait ces enseignants d’être de bons citoyens parce qu’ils ne suivaient pas la grève des enseignants du secondaire sous l’opération craie morte du mouvement OTS (On a Trop Supporté). Or ces instituteurs disent avoir été les premiers à initier cette grève, sauf qu’ils ont été intimidés.

«Il s’est moqué de nous.  Je devrais être à 19 ans de service mais je ne suis qu’à 12 ans de service. Ils me doivent 7 ans de service gratuit. Au lieu que ces gens trouvent le moyen de nous satisfaire, ils nous intimident, ils nous menacent. Ce sont ces menacent là qui nous ont poussés à bout et nous voulons leur montrer, au public aux parents, à tous ceux qui peuvent comprendre notre problème, qu’on en a marre»,

laisse entendre dame Rose Ngo Gueba , enseignante à l’école publique  New bell aviation 1.

Il y en a parmi eux recrutés comme contractuels mais qui demeurent sans matricule et d’autres sans salaire. Des dizaines d’années de travail sans  avancement, sans prime de rendement, et de non logement.

Sous le mouvement «Trop C’est Trop» les instituteurs ont arrêté de dispenser les cours jusqu’à ce que leur situation soit régularisée.

Rachèle KANOU

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