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SUZANNE VICTOIRE KOUHALAL : LA FEMME MENUISIÈRE-ÉBÉNISTE

Le parcours de Suzanne Victoire est celui d’une femme de caractère.

Ancien agent commercial et chauffeur de taxi, la jeune femme s’est  faite une côte de popularité dans le domaine de l’ébénisterie et la menuiserie.

Avec du bois, elle fait des merveilles. Affectueusement appelée Ma’a Su, cette femme, coupe ; scie ; rabote et fabrique tout ce qui se fait avec du bois. Ses œuvres sont très grandes.

«Je fais tout ce qui est bois. Table, cercueil, lit, meuble, lambris et j’installe même.  Donc, Je fabrique  du berceau au cercueil», dit-elle.

 

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Suzanne a vécu au Gabon pendant une vingtaine d’années

Avec un goût poussé vers les métiers dits d’hommes, elle fût chauffeur de taxi.Travail qu’elle a effectué pendant plus de 7 ans avant de trouver un poste dans une banque où elle exerçait comme agent commercial. Elle fait donc la rencontre d’un menuisier dont elle était le gestionnaire de compte,  devient son employée plus tard et c’est ainsi qu’elle se forme.

«A l’époque j’étais agent commercial et je prospectais. Quand j’arrivais dans sa menuiserie j’appréciais son travail. Parfois avec mon œil de femme, de temps en temps je lui faisais des remarques».

Quelques années après, sa banque ferme et elle perd son boulot. Suzanne est au chômage avec  deux  enfants à nourrir.

«Lorsque je perds mon travail, je pleure et un jour il me dit, au lieu de rester pleurer comme tu le fais là, viens passer du temps avec moi. J’ai commencé donc à l’assister. Et il a vu que j’avais l’œil, j’avais quelque chose. En soirée il me donnait 2000f et parfois plus. Ça pouvait au moins nourrir mes enfants».

Dans cet atelier d’apprentissage, elle commence à fabriquer de très jolis bancs de cuisine au point d’hériter du petit nom «menuisière banc de cuisine».  Avec son sens féminin, elle fabriquait des bancs avec une touche personnelle que ses clients aimaient bien. «La déco de mon banc n’était pas comme pour les autres», dit-elle.

 

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D’étape en étape…

Suzanne s’est frayée un chemin au milieu des hommes dans un métier où on retrouve rarement les femmes. De forte corpulence, elle affirme qu’elle transportait du bois sur la tête pour parcourir des kilomètres pour les faire usiner.

Cette femme forte et ambitieuse, avec des acquis  en  gestion  dit avoir épargné des centaines de mille  de   l’argent des bancs de cuisine  vendus.

«J’avais fabriqué une caisse où je mettais uniquement l’argent des bancs de cuisine. Lorsque j’ai cassé, la somme épargnée faisait 800 mille fcfa.  J’ai compris que je pouvais aller loin ».

Une somme qui a d’ailleurs aidé à l’ouverture d’un plus grand atelier commun avec son ami. Ils  se sont  entendus,  pour acheter des machines et avoir un atelier de transformation de bois complet.  Grâce à sa présence en tant que femme, son ingéniosité et le respect de délai de livraison  des travaux, ils se  sont faits pas mal de clients. Certains venaient par curiosité mais y restaient par conviction.

«Vous savez, un atelier de menuiserie où il y a une femme, ça parlait de bouche à oreille. Et comme j’avais été agent commercial, je savais convaincre les clients par la qualité du travail, et le respect des délais».

Comme au début de chaque chose,  Suzanne Victoire était marginalisée par les hommes qui  estimaient qu’elle était incapable de faire certains travaux, ils se plaisaient même à lui coller l’étiquette de  « menuisière banc de cuisine ». Mais la qualité de son travail lui a permis d’imposer le respect.

«Mes collègues qui me traitaient de femme dans le domaine, ont fini par admettre que j’étais brave et  avant que je ne quitte le Gabon, ils cherchaient de grands marchés pour moi».

Suzane n’était plus qu’une simple menuisière de banc de cuisine, elle était déjà douée dans la transformation du bois en produits finis. Berceaux, meubles de toutes sortes, cercueils, ainsi que les  lambris de décoration. Elle pouvait gérer «de grands marchés», dit-elle.

«Je pouvais désormais toucher à toutes les grandes machines. Au Gabon, les machinistes sont très peu. Le travail sur les machines est très délicat. Jusqu’à présent mes collaborateurs qui ne sont que des hommes, n’aiment pas que je touche à la machine. J’ai d’ailleurs des séquelles aux doigts».

 

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Retournée au pays  en septembre 2018…

Suzanna Victoire emploie de nos jours une dizaine de jeunes, tous des garçons dans son atelier situé à PK 11 dans le 3ème arrondissement de la ville de Douala. A leurs cotés,  elle est comme leur maman, même si parfois certains d’entre eux essaient de la mépriser parce qu’elle est femme.  Mais cette dame de valeur, ne se  laisse pas faire

«Lorsque tu cherches à me manquer du respect, on se sépare sur le champ».

Depuis son retour au pays, elle dit être en sécurité et vit paisiblement. «Je suis fière aujourd’hui parce que je n’ai pas de visa à payer ni de carte de séjour à payer».

 

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Suzanne a choisi le célibat …

Car la plupart des hommes qui se rapprochent d’elle, viennent avec l’intention de profiter de son agent, nous confie-t-elle. Ma’a Su,  n’est pas mariée mais elle est d’abord et avant tout une mère de famille. Elle a deux garçons âgés de 9 ans et 12 ans.  Ainsi en dehors de sa motivation à retourner au pays, travailler  pour servir ses compatriotes, elle ressentait le besoin de vivre avec ses deux enfants et leur donner une bonne éducation.

Menuisière ébéniste,  propriétaire d’un atelier complet, son vœu le plus cher est d’amener au moins un de ses deux enfants à exercer dans le même domaine.

«L’aîné, je veux qu’il soit menuisier, mais il ne montre pas trop d’intérêt. Il se rapproche de l’atelier quand je force. J’ai souffert au Gabon pour avoir ces machines et il faut que quelqu’un hérite  et c’est à eux».

L’expérience de Suzanne dans le domaine de la menuiserie n’est plus à démontrer, aujourd’hui, elle dit compter sur sa clientèle pour se faire une bonne place au soleil.

Rachèle KANOU

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3 Commentaires

  1. Emma Nicole

    Mille bravos à cette grande dame. Exemple à suivre par la gente féminine désœuvrée

  2. Alain D. MISS

    Bravo, toutes mes félicitations. Je suis toujours très heureux de voir des dames décider de se prendre en main sans attendre tout des hommes qui en général en jouent pour faire du chantage.

  3. Vanessa Tamen

    Waouh j’ai vraiment envie d’apprendre ce métier. Bravo et beaucoup de courage brave dame

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